La nuit est belle ce soir. Le nez levé vers la cime des arbres, visant les étoiles qui commençaient à se faire de plus en plus nombreuses dans l'immensité noire. J'aimais particulièrement m'amuser à trouver les différentes constellations, les observer durant de longues minutes. C'était étrangement reposant, et j'en avais bien besoin. J'avais la tête ailleurs, repensant de nouveau à la mort de mes parents. Je cherchais à comprendre pourquoi moi, jeune gamin sans aucune connaissance dans le domaine de la transformation, avait survécu. Pas que je m'en plaigne, non, mais ils me manquaient terriblement. Je me souvenais de tout, absolument tout, dans les moindres détails.

Je me rappelais l'odeur marine qu'on laissait derrière nous. J'aimais écouter les vagues venir s'éclater sur les rochers dans un fracas que j'adorais entendre. Aujourd'hui, cela me rappelait le bruit qu'avaient fait les crânes de mes parents quand ils s'étaient éclatés sur le bitume. J'aimais aussi entendre les rires des enfants autour de nous, dans cet adorable petit parc de jeux. Quelque chose qui me rappelait encore que c'est là que l'animal nous avait attaqué. Il n'avait laissé derrière lui que du négatif. De la tristesse dans mon coeur d'enfant, une blessure profonde qui ne se refermerait jamais. Il avait laissé deux cadavres et un futur loup. Il avait laissé une odeur de sang, comme maintenant...

Quoi ?! Une odeur de sang ?! Perdu dans ma contemplation, je ne l'avais pas remarquée tout de suite. Mais il y avait bien une odeur de sang, et une odeur de loup. Presque par automatisme, je me jette en avant, me dirigeant grâce à mon flair. Je n'ai pas pris ma forme lupine, je sens que c'est tout proche. Et en effet, alors que je m'approche d'une falaise, je vois un homme, blessé gravement. Il est étendu au sol, brun et bien bâti. Mais surtout, il a une profonde plaie qui se vide de son sang. C'est encore frais, j'ignore ce qu'il s'est passé mais je n'ai pas pour projet de lui demander. Je m'approche, vérifie son pouls. Vivant. Je fouille dans une poche, avant de trouver son porte-monnaie.

Je l'ouvre, afin de savoir de qui il s'agit. Je découvre des photos, de lui et d'autres personnes, et elles sont principalement prises devant un restaurant. Un chinois, visiblement. Le "Jade Wolf". Pas besoin d'être un génie, j'avais vite compris de quoi il s'agissait, j'en avais déjà entendu parler. Alors je remets son porte-monnaie dans sa poche, avant de l'attraper à bras le corps et le soulever. Il n'est pas loin du "Jade Wolf", donc le trajet est rapide. Heureusement, parce que c'est un sacré gaillard. Je m'approche de la porte, essayant de ne pas m'écrouler. Puis je la pousse violemment, faisant bruyamment interruption dans les lieux. Je sens qu'il n'y a aucun humain. Je lâche alors :

Où est l'Alpha ? Il semblerait qu'un des vôtres soit mal en point.

Je dépose doucement le corps presque sans vie du loup sur une banquette, avec beaucoup de douceur. Il a perdu un sacré paquet de sang, mais il vivra. J'espère. Je me tourne vers les personnes présentes, bien conscient qu'on peut me prendre pour son agresseur :

Je l'ai trouvé en forêt, je me promenais et j'ai senti du sang. Il était près de falaises quand je suis arrivé, y avait personne d'autre.

Je croisais les bras.

Lorsque je demandais l'Alpha de la meute, c'était surtout pour régler ça avec leur chef. Je fus alors surpris quand ce fut une louve lambda, qui ne dégageait aucune once de dominance, qui s'approcha de moi. Sa peau était hâlée, ses cheveux aussi marron que le chocolat, et ses yeux aussi. J'avais abandonné l'homme au sol, pour son confort principalement, tandis qu'elle s'était approchée avec méfiance. Aucun geste brusque de ma part, je n'étais pas là pour me faire descendre, mais pour sauver la vie du loup blessé. Elle m'apprit alors que leur Alpha était absent, ce qui me fit froncer du nez. Alors je devrais m'adresser à son bras droit, s'il daignait se montrer un jour. Quant à mon identité...

George McMillian.

Mon nom fut prononcé clairement, tranquillement, avant que je n'explique la situation. C'était simple, mais je sentais qu'elle ne me faisait aucunement confiance. Je soupirais doucement, assez perturbé. Pas l'habitude de me retrouver dans une situation aussi peu confortable, je l'avoue. Elle finit tout de même par me poser une question qui, quand j'étais aux falaises, ne m'avait même pas traversé l'esprit :

Il n'y avait pas de trace non plus ?

Je haussais les épaules, répondant que je n'avais pas pensé à regarder. J'avais préféré sauver la vie du loup, je retrouverais la trace de son agresseur plus tard. Je croisais les bras, avant qu'elle ne me fasse la remarque qu'elle ne m'avait jamais croisé dans la ville. Elle me demanda aussi si j'avais une meute, et si j'étais à Manhattan depuis longtemps. Je plissais légèrement les yeux, elle était très curieuse et cela me dérangeait un peu. Mais je ne comptais pas la laisser se méfier inutilement de moi, aussi je répondis avec un grand calme :

Je suis souvent isolé, mais j'ai grandis à New York. Je suis né ici, toute ma vie se trouve ici. D'autres questions, mademoiselle ?

Courtoisie, quand tu nous tient.